sans connaissance

Dans ce roman à la langue crue, détonante et pleine d'humour, Éric McComber nous raconte l'histoire tragi-comique d'Émile Duncan, de son enfance dans le Montréal-Nord des années 1970 - violence et « granolisme catho-colonisé » - jusqu'à sa plongée dans la sensualité brute et l'alcool, entre neige sale et ciel bleu.
— David Rochefort

mardi 3 juillet 2007

Winchiir


Jvois par ma fenêtre le ti-gars solitaire
Le ti-gars d’ma voisine qui fait de son best
Y rvient dl’école pis y rgarde le banc d’neige
Chais pas ski voit, chais pas ski voit

Partout dehors, c’est Noël
Mais pas ici
Business as usual, mon ami
Je frappe pas aux portes du ciel pantoute
Je frappe pas aux portes pantoute
Je tape je tape je tape je tape


Ça m’fait du bien, docteur
Ça m’fait du bien, planqué
Ça m’fait plus du bien que ton celexa
Plus de bien qu’un gros french sale
Plus de bien qu’un 4x4
Plus de bien qu’un film de peur
Plus de bien qu’un gros 2 litres
Plus de bien qu’une caisse de 12
Ça m’fait du bien, docteur
De me planquer
Peut-être jusse une étape
Mais entéka…
J’écris pus, ch’tape !


Peut-être que lui aussi, y voit les cristaux qui brillent
Peut-être que lui aussi, y aime mieux ça que la vie
Rien pourra jamais m’enlever le souvenir de Fred
Son orteil oint par les rayons

Truman Capote peut aller s’faire enculer les restes
Chus le fils de la voisine qui fait d’son best
Mon chemin
st’un esti
d’long travail
de sape
Faque scuzez,
j’écris pus, ch’tape

J’ai vu 8 charognards autour d’une fillette impressionnée
J’ai vu 3 harpies se disputer les yeux d’un jeune pendu
J’ai vu dix mille raisons emportées dans un raz-de-marée
J’ai vu un ti-gars solitaire marcher tout seul dans ma rue
J’ai vu les meilleurs pleurer face au mur
J’ai vu les plus vils se taper dans le dos
J’ai vu triompher les manteaux noirs
J’ai vu parader la quincaillerie
J’ai senti la morsure de l’acier froid
J’ai senti la rage du chien fou dans mon ventre
J’ai vu un grand homme se pencher pour entrer



Elle arrive chez toi avec des photos d’elle
Prises par un malade contre lequel
elle a obtenu injonction
Et tu les colles sur ton mur, pour les avoir sous les yeux
Et pavoiser
Et un autre fou lui a fait cadeau d’une murale
qui la représente en déesse
des mers et du ciel
et elle l’a suspendue au-dessus de son propre lit
Et toi tu la baises là
dans la maison
que son mari a bâti
pour elle
sous ces immenses photos d’elle
et tu n’es pas plus certain qu’elle de ce que tu baises
Et elle est belle, bien sûr,
et tu marches à ses côtés, fier comme un paon
Tu marches à ses côtés et les doutes t’abandonnent
Étouffés dans les gargouillis de ton orgueil
Et tu plaideras l’innocence,
le jour où tu te lèveras à l’aube
pour voir le lit creux
et la fille creuse
qui le creusait
partie depuis des mois
Et tu plaideras la nostalgie
pour excuser tes larmes,
pauvres
minables
Tu plaideras la folie,
ta petite
misérable
grotesque
inutile
ordinaire
folie

Passe ton chemin
Y a rien à voir
Circule, circule, tu reviendras dmain

Dmain, y aura un nouvel accident
Pas le temps, pas le temps
Demain y aura
Nouvelle caricature
Nouvelle nature morte
Nouveau piéton-spaghetti
Nouveau tas de viande
Nouveau mort, encore vivant dans ses cellules
Nouveau tas d’asticots s’activant dans l’ombre des métaux
Grouillants d’idées et de vitalité

Je n’ai plus que la vitesse pour compagne
Entraîné
Au large
Pour être dévoré, sans doute
Dépecé, dépieuté, who gives a fuck ?
Je fermerai les yeux
Me convaincrai qu’on me serre fort
Me convaincrai qu’on me câline
Me convaincrai que j’existe un peu
Me convaincrai que gouvernail
Me convaincrai que direction
Du remous
De la spirale
De la coralie
De l’entonnoir
De l’entropie
J’entonnerai un chant
Un chant nègre
Je me laisserai emporter
Monsieur le Président
Messieurs les carnassiers
Je n’aurai plus mes dents
Je ne mordrai même plus la crosse de vos tanks
Ou le train d’atterrissage de vos chasseurs
Je ne geindrai pas non plus
Je ne rien.

Je ne plus rien
Je seulement soulagé
Je seulement muet
Je seulement appaisé
Je seulement le silence
Je seulement le vent, s’il y a

Le vent




—————
© 1999, Éric McComber

5 commentaires:

Mighty Mélissa LeBlanc a dit…

Incroyable... ça m'a fait pleurer ce truc.

& a dit…

Wow Meth,

Personne commente, sur SC. Chais ben pas pourquoi. C'est ainsi. Ça visite en masse, mais ça commente jamais. Touché que ça t'ait touché. Mezen.

É.

McDoodle a dit…

Des siècles plus tard, je pose mes yeux sur ce poème.
J'suis toujours quelque part pas loin, décalée mais impressionnée. Tu tapes fort, j'ai retenu mon souffle. Tape dans mite !

Mek a dit…

Hi hi hi ! Y a de la mousse dans le sentier, icitte !

Mek a dit…

Hi hi hi ! Y a de la mousse dans le sentier, icitte !